À l’occasion du 20e anniversaire de l’École Supérieure Internationale de Guerre (ESIG), les hauts responsables de cette prestigieuse institution militaire ont effectué une visite symbolique et stratégique au siège de CAMTEL, acteur clé de la souveraineté numérique du Cameroun. Une rencontre qui a donné lieu à des échanges de haut niveau sur les enjeux actuels des télécommunications, de la cybersécurité et de la maîtrise des données nationales.
Comme le veut la tradition, les officiers supérieurs et auditeurs stagiaires de l’ESIG ont été accueillis dans les locaux de CAMTEL, où Mathilde Abouem Mouangue, responsable du département de coordination des ventes, a présenté les piliers majeurs de l’entreprise publique : quatre câbles sous-marins connectant le pays au monde, quelque 20 000 km de fibre optique déployée, un datacenter de niveau Tier III, ainsi qu’un ambitieux programme de développement satellitaire.
Les données locales, un enjeu de souveraineté
La présentation, saluée pour sa clarté et la prestance de son oratrice, a rapidement donné lieu à une série de questions sans complaisance de la part des visiteurs. Une interrogation centrale : comment s’assurer que les données camerounaises ne transitent pas d’abord par l’étranger avant de revenir au pays ?
Face à cette préoccupation, Mathilde Abouem Mouangue a souligné l’importance du datacenter national, encore sous-exploité par les acteurs locaux. « C’est pourquoi nous faisons une campagne de sensibilisation pour encourager l’hébergement local. C’est un levier fondamental pour asseoir notre souveraineté numérique », a-t-elle expliqué. Elle a également insisté sur la nécessité de renforcer les points d’échange internet internes au Cameroun, actuellement en phase embryonnaire, afin de limiter la dépendance aux routes internationales.
Vers une architecture numérique plus résiliente
Dans la continuité de la discussion, Dieudonné Onomo, ingénieur à la direction technique de CAMTEL, a mis en lumière l’ambition de l’entreprise : développer un réseau national de neuf datacenters décentralisés. Cette approche vise à garantir la disponibilité des données locales, même en cas de coupure entre les centres régionaux et les câbles d’interconnexion. « Il s’agit aussi d’amener les citoyens à consommer davantage de contenus locaux pour réduire la dépendance aux plateformes étrangères comme Meta », a-t-il précisé.
Réponse aux cybermenaces : entre veille stratégique et infrastructures robustes
Interpellée sur les mesures à prendre face à une cyberattaque d’envergure orchestrée par une puissance étrangère, Mathilde Abouem Mouangue a démontré la solidité des dispositifs en place. CAMTEL, certifiée ISO, déploie une stratégie de veille dans chacune de ses entités, notamment en matière de sécurité. « Nos analyses incluent l’identification des menaces, la cartographie des risques et la valorisation des opportunités technologiques », a-t-elle détaillé.
Elle a également rappelé la résilience du réseau camerounais, illustrée par l’incident de 2024 qui avait paralysé les télécommunications sur la côte ouest africaine. Le Cameroun, grâce à ses quatre câbles sous-marins et à ses redondances stratégiques, avait été l’un des pays les moins touchés. En parallèle, CAMTEL renforce ses partenariats satellitaires pour garantir une sortie alternative en cas de coupure majeure.
Une alliance stratégique entre défense territoriale et cybersouveraineté
Cette visite, bien plus qu’un simple échange institutionnel, a mis en lumière la convergence entre la défense physique des territoires et la défense numérique des États. Elle illustre la nécessité pour les armées modernes de comprendre et d’intégrer les enjeux technologiques dans leur vision stratégique, et pour les opérateurs numériques comme CAMTEL de collaborer avec les forces de défense pour garantir une cybersouveraineté durable.
En célébrant ensemble deux décennies d’engagement pour la sécurité — l’une dans les airs, sur terre et en mer, l’autre dans les fibres et les satellites — l’ESIG et CAMTEL ont donné une leçon précieuse : la souveraineté d’un pays ne se joue plus seulement aux frontières visibles, mais aussi dans les flux invisibles du numérique.




