Diplômé des universités de Westminster et de East London en Angleterre, le vingtième monarque du Canton Bakoko Wouri, intronisé le 10 octobre 2021, à 28 ans, dresse le bilan de ses deux premières années passées sur le trône.
Comment se porte le Canton Bakoko Wouri à ce jour ?
Le Canton Bakoko Wouri vit son quotidien au reflet de la marche de son histoire. Nous ne pouvons pas nous dégager de la marche générale du pays mais nous faisons les efforts d’assumer nos destinées autant que nous le pouvons. Le climat social est apaisé, l’ambiance économique est corsée et les projets de développement se déploient lentement mais sûrement. En somme, il y a de l’espoir.
Deux ans plus tard, quel bilan faites-vous de vos premiers pas sur le trône ?
Vous savez bien que je ne vais pas créer la roue. Quand j’arrive sur le trône, je trouve un legs que j’ai le devoir de consolider et de pérenniser. Mes valeureux prédécesseurs ont abattu un travail considérable qu’il convient ici de saluer et de féliciter. Les premières années de règne sont généralement consacrées d’abord à l’initiation, ensuite à l’apprentissage. Après cela, il faut avoir une vue globale sur le Canton avec une évaluation objective des acquis et en faisant un état des besoins. Les deux premières années, c’est aussi beaucoup d’écoute et de concertations pour cerner et comprendre les aspirations du peuple dont je conduis les destinées. Il faut aussi évaluer les ressources humaines, énumérer le potentiel économique, étudier les pistes salutaires et enfin parcourir tout le patrimoine culturel, traditionnel et coutumier. Bien évidemment, tout ceci n’empêche pas de gérer les affaires courantes, qui impactent le quotidien des populations. En allant sur cette base, je puis dire que mes premiers pas sur le trône sont rassurants et porteurs de beaucoup d’espoir. J’ai la chance d’avoir autour de moi une élite engagée et un peuple très dynamique. Je leur rends hommage pour tous les appuis et soutiens qu’ils m’ont apportés depuis mon arrivée au trône.
Nous avons observé une forte activité médiatique du Canton Bakoko du Wouri et plus précisément dans les réseaux sociaux. Qu’est-ce qui justifie cette effervescence ?
Notre action porte sur deux axes principaux : la gouvernance locale et la diplomatie coutumière. J’ai le devoir de faire, de savoir-faire et de faire savoir.
Le faire savoir repose essentiellement sur la communication. Vous connaissez le rôle de la communication en matière de gouvernance. Notre activité marquante de communication que vous avez constatée, n’est autre que le devoir que nous avons de faire connaitre à notre peuple, à nos populations, à nos amis, à nos partenaires et aux administrateurs, ce que nous portons comme actions. C’est cette communication qui met le Royaume en avant et qui suscite l’intérêt de nos amis et partenaires. Ce sont ces partenaires qui soutiennent le développement local. Le Royaume a été particulièrement mouvementé depuis le mois de Décembre de l’année dernière.
D’une part, nous avions l’obligation de jouer notre rôle et d’apporter notre contribution à la consolidation, à la vie et à la pérennisation de nos deux institutions coutumières que sont le Ngondo et le Mpo’o. D’autre part, nous avons eu une action diplomatique très offensive.
Elle a consisté sur le plan intérieur, à renouer nos amitiés avec les Royaumes amis du Littoral, de l’Ouest, du Centre, de l’Est et du Septentrion. Sur le plan extérieur, de nombreux pays d’Afrique, d’Europe et des Amériques nous ont rendu visite. Nous avons aussi honorablement répondu à leurs invitations.
Plus récemment, le dernier passage de la Caravane du Ngondo dans notre Canton juste après le passage des Rois d’Afrique, ont été les principaux temps forts que nous avons partagés avec nos amis, les communautés amies et les partenaires. Quand un Royaume a un tel volume d’activités, il a l’obligation de communiquer. Et si par ailleurs il ne le fait pas, il sera envahi par la presse qui est très curieuse et qui donne de l’écho à nos actions. Vous l’avez encore vécu pendant la Caravane du Ngondo qui se tient cette année dans notre Canton du 11 au 17 novembre 2024. Communiquer, c’est exister. Notre Canton a le droit et le devoir de communiquer, dont d’exister. Il faut faire savoir.
La communication traditionnelle de proximité est-elle toujours d’actualité dans votre Canton ? Comment l’exploitez-vous?
Vous savez que la communication est un art. Notre Canton à la chance d’avoir des dignes fils qui sont des experts en la matière. Ils savent très exactement quel support et quel moyen utiliser pour faire telle ou telle autre communication. Le choix est déterminé par la cible, les besoins, la circonstance et la nature des motifs. Tout ceci pour vous rassurer que la communication traditionnelle de proximité que vous évoquez, garde toute sa place. Elle fait d’ailleurs partie de notre patrimoine culturel et traditionnel. Néanmoins, nous avons le souci de toujours nous arrimer au temps et aux aspirations de nos populations.
Quelle est la nature de votre collaboration avec les Chefs de village ? Quelle est la place qu’ils occupent dans les projets de développement du Canton?
Nous sommes le Peuple « Mintin N’zangwa », le peuple des sept nœuds. J’espère que cette symbolique traduit à suffisance la réponse à votre préoccupation. Ce sont les lieutenants qui font la force du Général des armées. Mon pouvoir et ma force reposent sur mes sept chefs de village. C’est le premier cercle prestigieux de notabilité du Royaume.
Les sept chefs de village sont mes sept premiers notables. Ils sont plus proches des populations que moi. Ils sont mes yeux et mes oreilles dans le Royaume. C’est un dispositif élaboré qui met en place une fluidité de gouvernance de la base au sommet et du sommet vers la base. Vous savez que ce sont les sept chefs de village qui administrent au quotidien les populations. Il est donc inadmissible et inconcevable, qu’un seul projet de développement du Village soit pensé, mis en route et exécuté, sans qu’ils n’interviennent à chacune des étapes. Ils ont un droit de regard sur la vie du Royaume.
Vous manifestez un attachement particulier à l’endroit du peuple Baka, quels en sont les mobiles ? Au-delà de cette observation vous avez une activité diplomatique très animée, pouvez-vous en dire un mot ?
Ma force, mes origines, mes racines matrimoniales et matriarcales me viennent du peuple Baka, à l’Est du Cameroun. Il est en même temps mon nombril et mon cordon ombilical. Je dis merci à mon défunt père, récemment parti en voyage, qui a fait le choix de ma Mère comme épouse pour me donner cette force. C’est aussi une grande partie de l’assise mystique de mon
Royaume. Je ne dirai pas long sur la diplomatie coutumière. Je vais vous renvoyer à l’Editorial que j’ai commis dans le cadre des activités du passage de la Caravane du Ngondo dans notre Canton. Retenez néanmoins que la diplomatie coutumière est le deuxième pilier de mon action. Je vous annonce par ailleurs que nous a fait le choix cette année de mettre en avant le peuple Baka. Nous connaissons tous la richesse et l’efficacité de sa médecine traditionnelle. C’est aussi un peuple qui soigne très bien à la base des racines, des feuilles, des écorces. Leur déploiement pendant cette Caravane est un moment à vivre. Venez nombreux bénéficier de leurs soins.
Quel bilan faites-vous de l’année 2024 au Canton ? Quelles perspectives s’ouvrent-elles au Canton à travers la fenêtre de l’année 2025?
L’année 2024 nous a permis de nous initier, d’apprendre, de comprendre, de poser les bases mais surtout de tracer la trajectoire. En 2024 nous avons participé à la consolidation de nos Institutions Coutumières que sont le Ngondo et le Mpo’o. Notre offensive diplomatique a conduit à l’amélioration du statut de notre Centre Médical de Santé. La finalisation des travaux de la route qui achemine au Canton à partir des rails a été un accomplissement bénéfique.
Nous avons dynamisé notre diplomatie coutumière tant sur le plan intérieur qu’extérieur, en réconfortant les acquis mais aussi en établissant de nouveaux points. Ce fut aussi l’occasion de recevoir de nombreux amis du Royaume avec qui nous avons établi des partenariats porteurs. Le palais royal du Canton a répondu à de nombreuses invitations qui lui auront permis d’échanger avec les porteurs d’affaires et d’obtenir quelques bourses pour nos jeunes. En perspective, nous nourrissons le vœu de créer une association qui portera nos actions de développement local, de mettre sur pied une Radio communautaire avec l’appui de nos partenaires, d’aménager un site éco-touristique et bien d’autres. Les travaux d’amélioration du visage du Palais Royal poursuivront leur chemin. La formation et l’autonomisation de notre jeunesse restera une priorité sans oublier le soutien à apporter à la femme Bakoko qui porte les arcanes de notre économie sociale.
L’insertion socioprofessionnelle de notre jeunesse a été une préoccupation de premier ordre. Une soixante a pu être intégrée dans les entreprises de la place. Aussi nous lançons un vibrant appel aux entreprises qui trainent encore le pas, à tenir leurs engagements sociaux. C’est cela qui leur donne une dimension citoyenne.
Majesté, un mot de fin ?
Je voudrais ici exprimer ma profonde gratitude et mes sincères remerciements au peuple Mintin N’zangwa qui a toujours répondu présent et qui ne ménage aucun effort pour soutenir nos initiatives. Je profite de cette tribune pour leur demander de redoubler d’efforts ; de rester attaché aux valeurs ancestrales, d’être toujours unis autour de leur Chef, de soutenir les projets initiés par le palais royal. Je félicite le comité d’organisation de la Caravane du Ngondo 2024 au Canton Bakoko du Wouri, pour des efforts et des sacrifices consentis. Il a fait de cette fête culturelle un moment inoubliable de notre histoire. Je salue à leurs justes valeurs le Président du conseil d’administration et la reine, qui ont conduit avec maestria cette organisation.
Entretien réalisé par M.S.
La titraille est de la Rédaction*